Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Philosophie, écologie, politique. Florent Bussy, Professeur de philosophie.
Pages
24 janvier 2014

Les Zindignés n°11 Article sur la catastrophe nucléaire

Les Z'indigné(e)s n° 11

 

Avec un article Florent Bussy, Qu'est-ce qu'une catastrophe nucléaire ?

 

Le souvenir de Tchernobyl a longtemps hanté nos sociétés. Puis s’est estompé peu à peu, au point d’accompagner l’URSS, à laquelle il était associé, dans l’oubli. La catastrophe de Fukushima est d’une autre nature. Sans lien avec une défaillance humaine ou même de conception, elle a semblé prendre par surprise l’ensemble des pays nucléarisés, au point de susciter, pendant un temps, un vent de panique chez les acteurs du nucléaire, sommés d’annoncer des mesures et de rassurer les populations.

Contrairement à une catastrophe industrielle classique, où les responsables cherchent d’abord à montrer que l’accident n’est pas hors de prise et qu’il sera rapidement circonscrit (par exemple l’accident de la plateforme de Deepwater Horizon au large de la Louisiane en 2010, d’une ampleur sans précédent en termes de pollution marine par des hydrocarbures était effectivement maîtrisé au bout de 5 mois), dans une catastrophe nucléaire, la communication porte d’abord sur l’événement lui-même, il s’agit, pour les opérateurs, de montrer que la catastrophe n’est pas de grande ampleur, parce qu’ils savent bien que si elle l’était, aucune mesure ne serait envisageable.

Sur une chaîne d’information en continu française, pendant plusieurs jours un journaliste scientifique a assuré, devant les images de la pulvérisation des installations, qu’il ne s’agissait pas d’une explosion nucléaire et qu’aucune fuite radioactive ne pouvait avoir lieu, tant que la cuve restait étanche. Le téléspectateur restait ébahi devant le conflit entre l’image et le commentaire, se remémorant les mensonges d’une présentatrice météo du service public au moment du passage du nuage de Tchernobyl sur la France. Depuis maintenant bientôt trois ans, l’événement est en cours, les barres de combustible libèrent des quantités importantes de radionucléides en continu, aujourd’hui dans l’Océan Pacifique sous la forme d’eau contaminée se déversant à partir des piscines attenant aux réacteurs, pendant les premiers temps de l’accident sous la forme d’une propagation massive d’aérosols.

Les territoires touchés par la catastrophe sont difficiles à répertorier, la diffusion se faisant en « taches de léopard ». La contamination des eaux du Pacifique est également difficile à évaluer. C’est sur cette connaissance problématique de la nature de l’événement que les industriels s’appuient pour pouvoir le minimiser. L’évacuation des populations sur un périmètre de 20 kms autour de la centrale participe de cette dénégation de l’ampleur de la catastrophe. La contamination est sans aucun doute beaucoup plus large. L’attribution de l’organisation des Jeux Olympiques à la ville de Tokyo pour 2020 s’inscrit également dans cette logique : l’accident est resté local et n’a pas eu d’impact national et encore moins international.

Ce qui n’est jamais dit, dans les milieux politiques et industriels, concernant les accidents nucléaires, c’est qu’il s’agit de catastrophes, c’est-à-dire d’événements d’ampleur sans comparaison. À l’échelon local, le seul reconnu sans contestation, c’est la fin d’un monde, d’une histoire, d’une cohabitation longue des hommes et d’un lieu, autrement dit ce qu’on appelle « une culture ». Pourtant, même dans les zones interdites de Tchernobyl et Fukushima, des populations continuent de vivre, parce qu’elles disent ne pas se soucier d’une radioactivité qu’elles ne peuvent pas percevoir, et ce d’autant qu’elles n’ont pas les moyens de s’installer ailleurs. Mais elles ont perdu les liens ancestraux inhérents aux zones rurales. On peut parler de « désolation » au sens qu’Arendt donne à ce mot pour décrire la réalité des régimes totalitaires, à savoir la perte d’appartenance à un monde commun.

Une « catastrophe nucléaire », c’est une opération de destruction à très grande échelle, d’autant plus grave, qu’elle s’inscrit dans un monde fondé sur l’utilité et la satisfaction des besoins. Le coût évalué (mais d’après des critères qui sont par définition peu fiables, parce qu’on ne sait pas exactement ce qu’est une telle catastrophe) est de plusieurs centaines de milliards d’euros, ce qu’aucune multinationale ne peut assumer et ce à l’égard de quoi les pays se défaussent, en minimisant l’importance de la pollution, en traînant des pieds pour indemniser les victimes, en faisant preuve de la plus grande négligence, pour ne pas avoir à révéler que l’industrie du nucléaire n’est économiquement pas viable et qu’une seule catastrophe coûterait en fait aussi cher que ce que le nucléaire a pu apporter en termes de production d’énergie, si on y faisait face avec sérieux.

La dénégation l’emporte. À la marge, les pays nucléarisés ont concédé des investissements et des visites de contrôle, mais le directeur de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), Yukiya Amano, déclarait un mois après le début de la catastrophe de Fukushima, qu’il fallait « rétablir la confiance de la population dans l'énergie nucléaire ». En octobre 2013, la même agence propose simplement le retour des populations dans les zones contaminées, alors qu’aucune mesure d’enfouissement massif n’a été prise comme ce fut le cas dans la zone interdite de Tchernobyl.

Les accidents nucléaires révèlent en fait le caractère catastrophique de nos modes d’existence, des attentes qu’ils manifestent à l’égard de la technique. Produire et consommer sans limites sont tellement devenus des évidences pour nous, qu’aucun événement, aussi catastrophique soit-il, n’a la légitimité pour remettre en question nos modes de vie, leur violence, leurs conséquences. Nous nous complaisons dans les discours fantasmatiques et démonétisés sur le progrès, parce que nous ne faisons plus l’expérience directe d’autres modes de vie, fondés sur la recherche de la convivialité, de l’harmonie, de la réalisation de soi à l’intérieur d’un monde commun. Les catastrophes nucléaires participent de la guerre généralisée, dans laquelle nous sommes inscrits, guerre contre la nature, guerre de l’humanité contre elle-même (concurrence), guerre de l’homo oeconomicus contre la condition humaine de rareté, de mortalité, de fragilité, qui est pourtant tout à fait compatible avec une vie sensée, digne et réussie.

Il ne sera pas facile de sortir du nucléaire, parce que toutes les sources d’énergie sont bonnes à prendre, quand préserver notre mode de vie continue, par-delà les pleurs de crocodile de nos responsables sur l’état de la planète, d’être non négociable. C’est pourquoi, comme toujours, avant d’être de nature technique (il ne suffit pas de remplacer les centrales nucléaires par des fermes éoliennes gigantesques, pour sortir de notre logique guerrière, même si elles sont toutefois de très loin préférables), la bataille à mener est d’abord culturelle, c’est-à-dire politique.

 

 

Acheter.

http://golias-editions.fr/article5214.html

2,5e version numérique

5e version papier.

 

Capitalisme vert : attention danger !

Le capitalisme a un grand projet, un vrai projet : le capitalisme vert. Les gauches sous-estiment gravement le danger de ce nouvel âge capitaliste. Nous aimons nous rassurer en croyant qu’il vivrait ses dernières heures. L’acte de décès du capitalisme a pourtant été publié si souvent depuis deux siècles, que cela aurait dû nous rendre prudents... J’ai bien peur qu’après le capitalisme et le productivisme, nous ayons un hyper-capitalisme et un hyper-productivisme. Les partisans de l’écosocialisme, du socialisme du Buen-vivir doivent connaître leurs adversaires pour mieux les combattre, pour être capables parfois de miser sur l’heuristique de la peur dont parle Hans Jonas.

Survivre et vivre à l’Anthropocène

L’Anthropo-quoi ? L’Anthropocène. Nous y sommes déjà, autant apprivoiser le mot et ce dont il est le nom. Bien plus qu’une crise environnementale, l’Anthropocène signale une bifurcation de la trajectoire géologique de la Terre causés non pas par l’ « Homme » en général, mais par le modèle de développement qui s’est affirmé puis globalisé depuis la dite « révolution » industrielle. Comme le montrent Christophe
Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz dans cet article (et dans leur livre « L’événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous », Seuil, 2013), l’Anthropocène, c’est notre époque. Notre condition. C’est le signe de notre puissance, mais aussi de notre impuissance. Habiter de façon plus sobre, plus équitable et moins barbare la Terre est notre enjeu.

Quelle histoire pour l’Anthropocène ?

L’émergence récente de l’Anthropocène dans les sciences humaines et sociales et dans l’espace public et militant renouvelle positivement la pensée de la question écologique. Mais, faute d’ancrage historique, on risquerait d’entériner une vision simplifiée de l’humanité, comme « une espèce », unifiée par la biologie et le carbone, et donc collectivement responsable de la crise, effaçant par là même, de manière très problématique, la grande variation des causes et des responsabilités entre les peuples (jusque récemment, l’Anthropocène fut un Occidentalocène !) et les classes sociales1. La montée en force du thème de l’Anthropocène risquerait ainsi de diluer la question des causes dans une vision assez unanimiste de l’histoire. Porter un regard historique solide et lucide sur l’Anthropocène, c’est-à-dire sur l’histoire socio-
environnementale globale du dernier quart de millénaire, nous apprend plusieurs choses importantes pour comprendre les dérèglements écologiques d’aujourd’hui et les enjeux des alternatives et luttes socio-écologiques en cours2.

Le tri sélectif des embryons ou la banalisation de l’eugénisme

Jacques Testart, biologiste
Pionnier de la fécondation in vitro, Jacques Testart est le « père » scientifique du premier bébé éprouvette français. C’est aussi le défenseur inlassable de la bioéthique, le partisan d’un meilleur contrôle des orientations de la recherche et le promoteur d’une « science citoyenne ». Depuis plus de trente ans, il a pris position contre le tri sélectif d’embryons et la « banalisation de l’eugénisme ». Jacques Testart défend une recherche indépendante des puissances d’argent et respectueuse de l’humanité.

Géo-ingénierie et transhumanisme : l’avènement du sur-homme

Le lien entre la géo-ingénierie et le transhumanisme est ouvertement revendiqué par des chercheurs comme Matthew Liao, Anders Sandberg et Rebbeca Roache notamment dans leur fameux article « Ingénierie humaine et changement climatique ».

Face aux apprentis sorciers, inventons une science citoyenne

Fabien Piasecki, Fondation Sciences Citoyennes
Geo-ingénierie et transhumanisme font peser un risque majeur de catastrophes climatiques mais aussi de désespècement (sortie de l’espèce humaine). Face à ce péril, seul un surcroît de démocratie, seule une science citoyenne pour permettre d’éviter le pire.

Sommets climatiques, ou le règne de l’immobilisme

La conférence du climat qui s’est tenue à Varsovie au mois de novembre 2013 restera dans les annales de l’histoire comme celle de l’immobilisme et de l’antagonisme.

L’Amérique du Sud et le débat autour de « l’extractivisme »

Ces dernières années, l’Amérique du Sud a opéré un « tournant à gauche », en se dégageant du néolibéralisme qui prévalait. Pourtant, le paradoxe de cette nouvelle phase est de reconduire, voire d’accentuer, le même modèle de développement qu’auparavant.

De l’agriculture industrielle, à l’agroécologie paysanne et citoyenne

Madame Marion Guillou, dans son rapport sur l’agroécologie1, ne cite pas moins de vingt réseaux - de « l’agro-foresterie » à « l’agriculture raisonnée » - consultés pour répondre à sa mission de concilier écologie et économie comme le lui demandait le ministre de l’Agriculture, qui met tout cela sous le même vocable. Quelle est la signification réelle de ce mot à la mode, fusion apparente entre Agronomie et Ecologie ? Il est vrai qu’on a beau l’appeler par l’euphémisme lissé de « conventionnelle », l’agriculture industrielle d’aujourd’hui a du chemin à parcourir pour concilier ces deux termes.

Alertes aux utopies !

Une menace généralisée se précise sur la ligne de front entre les ruines du vieux monde et les premiers jardins du nouveau. En Europe, la répression s’accentue simultanément dans les poches de résistance et de création que sont Marinaleda (Espagne) et Exarcheia (Grèce), sans oublier les irréductibles du Val Susa, du Pays
Basque, de Chalcidique ou encore de la ZAD de NDDL. Une répression qui n’a qu’un seul but : nier les alternatives et garder l’imaginaire sous contrôle.

Béziers, laboratoire de Robert Ménard pour la dédiabolisation du FN

Dans le contexte actuel, il n’y a que deux façons de faire de la politique : miser sur
l’espoir et la solidarité ou jouer, comme le pratique le Front national sur la peur et la haine. L’exemple nous est donné avec la ville de Béziers, nouvelle terre de prédilection du FN. Un enjeu de taille dans la perspective des élections municipales à venir.

Municipales 2014 : PCF/PS l’alliance perdante

Aurélien Bernier, militant démondialiste
Contrairement à ce que dit la légende, ce n’est pas l’effondrement du bloc de l’Est à la fin des années 1980 qui a précipité la dégringolade électorale du Parti communiste français. C’est au contraire l’alliance avec le Parti socialiste, celle-là même qui se reforme dans certaines communes pour les élections municipales de 2014.

Les Bonnets rouges ne nous feront pas croire au Père Noël !

L’écotaxe, symptôme et béquille d’un système productiviste agonisant ! Avant l’écotaxe, la crise bretonne avait déjà démarré par la fermeture et la liquidation de ses principales usines agroalimentaires, en particulier dans la transformation animale (GAD, Marine Harvest, Doux...). Cette crise, c’est donc celle d’un modèle de développement, encouragé et financé par l’Union économique européenne et son programme de liquidation de l’agriculture paysanne : la Politique Agricole commune (PAC). Analyse.

Qu’est-ce qu’une catastrophe nucléaire ?

Florent Bussy, philosophe

Le souvenir de Tchernobyl a longtemps hanté nos sociétés. Puis s’est estompé peu à peu, au point d’accompagner l’URSS, à laquelle il était associé, dans l’oubli. La catastrophe de Fukushima est d’une autre nature. Sans lien avec une défaillance humaine ou même de conception, elle a semblé prendre par surprise l’ensemble des pays nucléarisés, au point de susciter, pendant un temps, un vent de panique chez les acteurs du nucléaire, sommés d’annoncer des mesures et de rassurer les populations.

« Les journalistes manipulent l’information » contre « les journalistes sont objectifs »

Laurent Paillard, philosophe
Ce face à face caricatural peut résumer le malentendu entre la critique des médias et sa négation par les journalistes dominants. Décryptage.

De quoi Google est-il le nom ?

Yann Fievet, économiste
Nous devrions nous y faire : l’emprise de Google s’accroît chaque jour davantage et il serait illusoire de vouloir y résister. La firme, omniprésente dans l’univers de nos cyber-activités, recouvre nos vies d’une prétendue bienveillance.

« Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu avant de renvoyer les images »

 

 

 

 

Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Publicité