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Philosophie, écologie, politique. Florent Bussy, Professeur de philosophie.
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26 octobre 2014

Le journal d'une folle Peter Diener

Peter Diener est un ami depuis 15 ans. C'est un monsieur de 84 ans (1930), d'origine hongroise, Maître de conférence de littérature comparée (russe) jusqu'au milieu des années 90 à l'Université de Toulouse-le-Mirail. J'ai eu de très nombreuses conversations avec lui sur la question des régimes communistes. Je vais le voir chez lui, dans la campagne toulousaine, une fois par an. Sa ferme donne directement sur les montagnes des Pyrénées. Il a écrit des pièces de théâtre, des textes de souvenirs (il a échappé à la Shoah). Il est né à Paris, mais a vécu toute son enfance à Budapest. Il est arrivé à Paris en 1956.

Je lui ai dédié mon gros livre sur le totalitarisme.

Son livre Le journal d'une folle porte sur la Shoah, envisage que la seule possibilité de supporter de vivre avec cette mémoire est de la nier. C'est un livre unique. C'est à partir de sa lecture que nous sommes devenus amis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Compte-rendu de Peter Diener, Le journal d’une folle, éditions de l'Aube.

 

Dans ce roman, l'écrivain français d'origine hongroise, Peter Diener, raconte l'histoire d'une jeune fille hongroise d'origine juive qui a échappée à la Shoah et qui raconte son histoire dans un journal. Seule survivante de sa famille, Juci dialogue sans cesse avec ses disparus, et d'abord sa soeur aînée Eva, laquelle est morte torturée, démembrée par les nazis hongrois. Elle accompagne dans le cauchemar la victime chérie, partageant un peu de cette violence indicible de celui qui n'est pas revenu. Elle témoigne, par ce discours où les « je » se mêlent pour ne pas s'abandonner, pour ses proches, en répondant à l'impératif moral posé par Primo Levi dans Les naufragés et les rescapés, au sujet des musulmans, prêter une voix à celui qui a été privé de voix, témoigner de l'intémoignable.
Juci nous projette ainsi par l'imagination cauchemardesque dans une chambre à gaz en fonctionnement, lisant les dernières pensées intimes des mourants.
Mais l'expérience ne laisse pas indemne. La mémoire ne saurait simplement être sainte, elle est aussi maudite, elle empêche de vivre, de prendre pied dans une réalité oublieuse des morts certes, mais banale, quotidienne et donc vivante.
La tentation est grande de céder à cette réalité, mais cela pourtant est impossible. Juci devenue vieille est tentée par l'oubli, mais cet oubli s'apparente au négationnisme, cauchemardesque.
La vieille dame est ainsi prise dans une oscillation entre oubli-négation et mémoire-devoir. Y a-t-il une issue au dilemme ?
La folie témoigne de cette impossibilité à trancher, la vieille dame vit au passé, sort la tête par moments dans le présent. Mais cette folie, qu'elle sait, cette oscillation qui la conduit au bord de l'asphyxie, de la mort, ne témoigne-t-elle pas de son humanité profonde, de sa volonté d'arracher la mémoire à la banalité quotidienne, évitant ce que celle-ci a pu produire, un mal banal, d'une violence sans pareille ?
Et la tentation négationniste n'est-ell pas l'image de nos sociétés, tentées par l'oubli et la banalisation, l'image de l'inhumanité possible ?
Le journal d'une folle est le roman de ce que l'on ne peut pas porter, du cauchemar et de l'espoir.

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Commentaires
L
Bonjour,<br /> <br /> J'ai été un ami proche de Péter Diener de la fin des années 80 jusqu'aux derniers instants de sa vie juste après qu'il ait dû quitter la Grange Bleue. J'ai eu vos coordonnées ainsi que celle de votre blog que j'ai découvert par Eric Fraj très récemment. J'ai sollicité ce dernier ainsi que plusieurs contacts donnés par l'un des fils de Péter pour un dossier spécial le concernant à sortir cet été dans la revue "A Littérature-Action" à l'occasion des un an de sa disparition le 14 juin 2019. Malgré les délais très courts désormais, nous pouvons publier une contribution de votre part, des documents, etc. si vous le désirez svp.<br /> <br /> Merci d'avance et à bientôt j'espère pour échanger avec vous sur la mémoire de Péter et mieux faire connaissance à l'air libre...<br /> <br /> Laurent Doucet<br /> <br /> Poète et professeur de Lettres, d'Histoire et de Géographie<br /> <br /> laurent.doucet0898@orange.fr<br /> <br /> 0630877058
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